Un homme en costume exécute un swing de golf en fin de journée sur un fairway, illustrant le lien entre posture managériale et gestuelle sportive.Sur le parcours comme en entreprise, chaque geste compte. Le swing devient ici une métaphore visuelle du leadership en action.

Un swing irrégulier, un backswing précipité, un finish déséquilibré : et si ces gestes en disaient plus long sur vous que vos entretiens annuels ? Pour de nombreux cadres, le golf n’est pas qu’un loisir du dimanche : c’est un laboratoire comportemental. À chaque mouvement sur le green, s’exprime une posture mentale, une capacité d’attention, de prise de recul, de maîtrise de soi — autant de qualités essentielles à tout leader. Et si votre swing était en réalité un scan silencieux de votre posture managériale ?

Cette idée, Assaël Adary l’a poussée plus loin que quiconque dans son ouvrage Comment votre swing peut améliorer votre management (Éditions du Palio). Pour ce dirigeant passionné de golf, « le swing est une métaphore complète du rapport que chacun entretient avec le pouvoir, le risque, le doute et la responsabilité ». Une affirmation qui peut sembler ambitieuse, voire ésotérique, mais qui prend tout son sens lorsqu’on commence à décomposer le swing — ses phases, ses exigences — et à les mettre en miroir des réalités du leadership.

Le swing n’est pas un geste unique. C’est une séquence, une boucle dynamique qui intègre préparation mentale, exécution technique et évaluation post-action. En cela, il est profondément managérial. Et lorsqu’on se penche sur les éléments qui le composent — l’adresse, le backswing, le downswing, l’impact, le finish — le parallèle avec les étapes clés de la posture d’un dirigeant devient aussi limpide qu’un fairway au petit matin.

L’adresse : vision, alignement et intention

Tout commence ici. Le golfeur s’installe face à la balle, s’aligne, prend la mesure du terrain, du vent, du lie, de la cible. Rien n’est encore engagé, mais tout se prépare. Cette phase d’adresse est en réalité un acte stratégique. L’équivalent en entreprise est évident : c’est la formulation d’une vision, d’une direction claire et alignée avec les ressources disponibles.

Stephen R. Covey, dans son best-seller Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent, invite à « commencer avec la fin en tête ». Cette posture proactive, essentielle au swing comme au management, suppose que l’action s’ancre dans une intention réfléchie.

Le golfeur qui s’adresse sans conviction, mal orienté ou tendu, compromet son coup dès le départ. Le manager qui lance une initiative sans avoir clarifié ses objectifs ou aligné ses équipes crée des tensions, du flou, de la dispersion.

Pour Jacques Bonnet, chercheur en communication et en management (Postures managériales et évolution des compétences d’encadrement, revue Communication et organisation), la posture managériale commence « dans la manière d’être présent, d’habiter l’espace décisionnel avant même d’énoncer une directive ». Une observation qui colle parfaitement à l’adresse golfique, moment de pleine conscience et de préparation silencieuse.

Le backswing : préparation, énergie, équilibre

Le backswing est cette phase où le club s’élève, recule, accumule de l’énergie en vue du downswing. C’est une montée en puissance maîtrisée. Trop rapide, il crée de la tension ; trop lent, il manque de dynamisme. En management, cette étape correspond à la préparation, à la collecte d’informations, à l’analyse des risques et des contextes.

Un leader efficace est celui qui sait reculer pour mieux frapper, observer avant d’agir. Ce temps de recul n’est pas de l’inaction, c’est une mise en puissance réfléchie. Vianney Lepoutre, auteur de Les compétences relationnelles du manager, insiste sur l’importance de la connaissance de soi et de la gestion émotionnelle dans cette phase : « Un manager qui ne sait pas gérer sa montée en charge émotionnelle ne pourra pas garantir la qualité de son acte managérial au moment critique. »

Sur le parcours, c’est la même chose. Le golfeur impatient, celui qui arrache son backswing, est souvent celui qui craint de perdre le contrôle. Il précipite au lieu de structurer. Or, un bon backswing est fluide, cohérent, enraciné dans l’intention de l’adresse. De même, un bon manager prépare ses décisions avec méthode, en s’appuyant sur ses valeurs et sur une lecture fine du contexte.

« Le jour où j’ai compris que ralentir mon swing me permettait de mieux jouer, j’ai aussi commencé à ralentir mes décisions en réunion », témoigne Nicolas, directeur régional dans une entreprise de logistique, golfeur depuis 12 ans. « Mon backswing était comme mes projets : trop réactif, pas assez ancré. »

Le downswing : prise de décision, rythme, cohérence

Le downswing est le moment où tout s’accélère. Le club redescend vers la balle, la force accumulée se libère, mais rien ne doit être brutal. Ce n’est pas une explosion, mais une transmission fluide d’énergie. En management, c’est la décision, l’engagement, la mise en œuvre.

Un bon downswing, comme une bonne prise de décision, est cohérent avec la préparation. Il ne surgit pas de nulle part. Il prolonge ce qui a été posé en amont. Il s’appuie sur un rythme juste.

Assaël Adary écrit : « Il n’y a pas de bon swing sans constance. Et il n’y a pas de bon leadership sans cohérence d’exécution. » Le parallèle est ici saisissant. Une étude menée par Korn Ferry en 2023 auprès de 1 200 cadres supérieurs révèle que 74 % d’entre eux identifient comme difficulté principale la cohérence entre vision stratégique et mise en œuvre opérationnelle.

Un swing qui part bien mais dont le downswing est hésitant, trop timide ou trop agressif, produit des coups ratés. Un manager qui recule devant l’arbitrage, ou à l’inverse qui force l’exécution sans écoute ni feedback, ruine la qualité de sa posture.

L’impact : présence, ancrage, confiance

C’est l’instant de vérité. Le club entre en contact avec la balle. Tout se joue ici, dans une fraction de seconde. Le golfeur ne doit ni forcer, ni retenir. Il doit faire confiance au mouvement engagé. C’est l’acte juste.

En management, l’impact est la traduction concrète d’une décision : un feedback donné, une prise de parole, une gestion de crise. Tout converge ici. Et tout se révèle.

Or, un impact réussi n’est pas une explosion de volonté. C’est une synthèse maîtrisée de posture, d’intention et de rythme. Le manager qui « force » une décision, qui impose au lieu d’incarner, produit souvent un impact inefficace, voire contre-productif.

C’est aussi à ce moment que la présence du leader est palpable. Comme l’écrit Jacques Bonnet, « l’impact est moins affaire de contenu que de présence incarnée, de capacité à faire autorité sans autoritarisme. » Le swing, lorsqu’il est juste, semble naturel. De même, le leadership qui produit ses effets les plus durables est souvent celui qui ne se voit pas, mais se ressent.

Le finish : évaluation, apprentissage, adaptabilité

Souvent négligé par les amateurs, le finish est pourtant la signature du swing. C’est ce qui reste, ce qui raconte le coup après l’impact. Une posture déséquilibrée trahit un swing forcé. Une position tenue, fluide, en dit long sur la qualité du mouvement.

En entreprise, le finish est ce que le leader fait après l’action : comment il évalue, ajuste, apprend. C’est la capacité à tirer des enseignements, à maintenir un équilibre même en cas d’échec. C’est aussi ce qui permet de bâtir une crédibilité durable.

Assaël Adary l’exprime ainsi : « Le vrai swing ne s’arrête pas à l’impact, il va jusqu’au finish. Il en va de même pour les décisions : elles doivent s’accompagner d’un suivi, d’un écho, d’un ancrage. » Un feedback sans écoute postérieure, un plan d’action sans mesure d’impact, c’est un swing qui s’arrête au contact.

Sur le green, un golfeur expérimenté peut deviner si un coup a été réussi rien qu’en observant le finish. En entreprise, les collaborateurs perçoivent la qualité du leadership à ce qui reste après la réunion : le climat, la compréhension, l’adhésion. Ce qui dure est plus important que ce qui impressionne sur le moment.


Et après ? Quand le swing devient posture intérieure

Et si demain, les bilans annuels d’évaluation de leadership incluaient un test de swing sur simulateur ? Derrière la provocation, une intuition sérieuse : le corps trahit des vérités que le langage tente souvent de dissimuler. Le swing révèle ce que nous sommes, pas seulement ce que nous savons. Il est un révélateur de présence, d’équilibre, de clarté intérieure.

Dans une ère managériale marquée par le besoin d’authenticité, de leadership incarné, de régulation émotionnelle, le swing devient plus qu’un geste : un outil d’introspection. Comme le yoga pour d’autres, il aide à se connecter à soi, à habiter sa fonction de manière plus pleine.

Un mauvais swing ne fait pas de vous un mauvais manager. Mais un swing déséquilibré, tendu, précipité, peut refléter un désalignement plus profond. Inversement, apprendre à swinguer avec fluidité peut contribuer à pacifier certaines tensions internes qui rejaillissent dans la vie professionnelle.

Il ne s’agit pas ici de tomber dans une lecture mystique du golf. Mais d’en reconnaître la valeur pédagogique et psychologique. Car le swing, loin d’être un simple geste sportif, est une posture mentale complète. Et comme toute posture, elle peut s’apprendre, s’affiner, s’habiter.

Sur le parcours comme dans un comité exécutif, ce ne sont pas les plus forts qui gagnent, mais ceux qui sont les plus présents à eux-mêmes. Le swing, lui, ne ment jamais.

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