Il est 13h36 vendredi à Augusta, une ville de taille moyenne pour un pays gigantesque tel que les Etats-Unis. Dans ce coin de Géorgie, à quelques 240 kilomètres d’Atlanta et PeachStreet, un golfeur pas comme les autres s’apprête à prendre le départ du second tour du plus célèbre tournoi de golf dans le monde, le Masters. Quelques mois seulement auparavant, il avait atteint le Saint-Graal, la plénitude, touché les étoiles, et devenu l’espace d’un instant fugace l’égal d’un dieu dans un sport pratiqué par des millions de galériens. Le pas n’est pas le même, l’attitude a changé, il prend sa respiration, jette un dernier coup d’œil, le poids d’une simple veste peut-être sur les épaules…il tire son premier drive devant une foule plus clairsemée qu’en temps normal. Sur Tea Olive, sa balle atterrit entre les arbres plus que centenaires, un départ loin d’être idéal pour un champion qui était « up » seulement quelques mois, semaines, jours, déjà passés, et maintenant « down ». Une nouvelle page d’histoire du sport est en train de s’écrire sous nos yeux, et au même moment, à quelques pas, un autre homme, plus âgé, lui-aussi un élu touché par la grâce en son temps, lutte pour passer son Everest personnel, réussir tout simplement à durer quelques heures de plus, passer deux jours de plus à arpenter Magnolia Lane, avec dans la tête des rêves secrets de champions. Lui aussi a connu des grands moments de « down », et là, il respire un bref moment de plénitude. Somme toute, c’est la simple histoire du golf…
A peine 53 hommes depuis 1934 ont remonté le 18eme trou à Augusta (Holly) avec la sensation qu’ils allaient entrer dans la Basilique Saint-Pierre ou la Sagrada Familia du golf.
Seulement 53 hommes sur cette planète ont accompli le rêve de peut-être plusieurs dizaines de millions d’autres, qui rivés sur leur écran de télévision suivent les exploits de ces cosmonautes des greens, tout du moins depuis 1956, date de la première retransmission, et encore seulement quelques heures…
Parmi ces hommes, certains ont été plus pantagruéliques que d’autres, Jack, Tiger, Arnold ont trempé plusieurs fois leurs lèvres dans la coupe du roi, addicts à cette foule qui les portaient aux nues, un dimanche après-midi sacré.