J’ai hésité à intituler ce nouvel article « Comment perdre 20 mètres au drive » un peu à la manière d’une satire de tous les présentateurs de vidéos qui nous expliquent comment nous allons gagner, au contraire, de la distance facilement et sans effort. D’une autre manière, cet article aurait pu aussi être une alerte par rapport à la publicité faite autour des distances stratosphériques de l’américain Bryson DeChambeau, nous incitant tous un peu, avouons-le, à vouloir taper encore plus loin… Il s’agit-là plus modestement d’une expérience de ma part, où effectivement, en crise au driver, avec une conséquence immédiate sur le score, je me suis inspiré du second service au tennis, pour stopper une hémorragie de double-faute ou pire depuis le tee de départ…et tout simplement jouer au golf.
Du hook au slice, une histoire de golfeur
Je dois être honnête avec moi-même. Oui, je tape fort et loin, mais le driving est bien mon plus gros point faible, et qui m’empêche clairement de devenir un très bon joueur de golf.
Pendant des années, j’ai lutté avec un drive qui partait très fort à gauche, en hook, et surtout perdu hors-limite.
A force de redresser le chemin de mon club, principal facteur explicatif de ses balles à gauche, pendant un bref instant, quelques mois, j’ai cru entrevoir une forme de « eurêka » golfique, avec enfin des trajectoires plus droites, et aussi plus longues.
Progressivement, le chemin du club devenait un peu plus neutre.
Est-ce que je pouvais entrevoir le bout du tunnel ?
Comme beaucoup de golfeurs, dans un sport de distance, j’ai continuellement cherché à augmenter ma distance, et taper de plus en plus fort.
En 2012, au moment des premiers tests pour JeudeGolf, ma moyenne de vitesse de club était de 90 mph.
A force de tests, et avide de progresser, tapant de plus en plus de balles, j’ai continuellement augmenté ma vitesse de swing pour dépasser 100 mph en 2019. Aujourd’hui, sur certaines balles, je peux frôler jusqu’à 110 mph…
J’aimerai pouvoir dire que j’ai atteint ces vitesses à l’aide d’une meilleure compétence technique ou physique… En réalité, au fil du temps, j’ai construit mon swing de drive comme un château de cartes… avec d’immenses fragilités…
Sans que je m’en rende compte ou que je regarde la vérité en face, j’ai construit cette augmentation de vitesse à travers une augmentation déraisonnable de mon amplitude de mouvement…
On ne se voit pas swinguer, et sauf à être narcissique, je ne passe pas mon temps à me filmer en train de jouer au golf, et tant et si bien que j’ai laissé s’installer une technique qui produisait certes plus de vitesse, mais allait être mon chant du cygne.
Pendant quelques mois, j’ai donc eu la sensation d’être « arrivé » (ce qui n’existe jamais au golf), de ne plus « hooker » la balle, et aujourd’hui, je me découvre « sliceur » et dans des proportions finalement aussi conséquentes que celles que je connaissais dans l’autre sens.
En l’espace de quelques mois, j’ai quitté une maladie golfique pour en épouser l’exact inverse.
Cet article n’est pas seulement le récit de ce phénomène, mais ce que j’ai fini par mettre en place, entre le diagnostic posé par la première personne qui a su mettre les bons mots dessus, et l’expérience de la solution sur le parcours.
Je voudrais vous partager deux notions : Ce que je n’ai pas su mettre en place pendant que j’étais en crise sur le parcours, et le travail technique pour avoir une solution exploitable, et jouer au golf.
Sur ce deuxième partie du problème, au fond du trou, le moral dans les chaussettes, j’ai cru que j’allais mettre des mois à trouver la solution…
Je précise jouer au golf, car quand vous sortez vos balles 60 mètres à droite du fairway, la seule chose que vous trouvez sur votre chemin, c’est la pénalité qui accompagne une balle perdue.
Bref, quand le départ est raté, et malgré l’expression « mauvais départ n’empêche pas le PAR », c’est compliqué de jouer, et de prendre du plaisir sur le parcours.
J’aurai aimé avoir l’idée du second service inspiré du tennis, et notamment pour éviter la double-faute, pendant que je galérais sur le parcours, plutôt que bien après.
Le château de cartes s’effondre
Au départ d’un trou, sur un golf près de Valence (Saint-Rambert d’Albon), je tape un drive qui s’échappe horriblement 60 mètres à droite du fairway.
Aucune chance de retrouver la balle… Surpris, je reprends ma concentration, ma procédure pour taper un deuxième drive…
Je réalise exactement le même résultat, et puis une troisième fois… Tel un boxeur, je suis sonné, désemparé, sans solution…
Bref, c’est la crise, et depuis cette partie, le phénomène n’a cessé de se répéter, et dans les mêmes proportions.
Dans ce problème, il y a en fait deux problèmes : Le premier, je n’ai pas mis dès le deuxième coup une procédure de sauvegarde en place… un second service.
Le second, techniquement, à l’impact, je tapais en talon, et avec une face ouverte par rapport à la cible… les ingrédients d’un push slice.
Dans un précédent sujet, j’ai illustré la solution que j’ai trouvé contre les frappes en talon… C’était une première solution mais malheureusement, dans mon cas, pas encore suffisante, notamment s’agissant de la face ouverte à droite.
Orientée la face à droite était en fait une bonne solution du temps où mon chemin de club était encore plus orienté naturellement vers la droite du fairway. Cela limitait la courbure de la balle vers… la gauche, et donc le hook.
A l’inverse, quand le chemin du club vers la balle commence à se neutraliser, la face à droite devient le problème.
Qui m’a sorti de la nasse ?
Dans le cadre d’un prochain sujet, j’ai réalisé la fameuse partie « jouer moins de 80 » avec le cadet professionnel Arnaud Garrigues qui a travaillé pour Sébastien Gros, Mathieu Pavon, Victor Dubuisson ou encore récemment pour Adrien Saddier.
Au cours de cette journée, il m’a filmé de derrière et montré mon backswing pour m’expliquer de manière très logique, qu’en créant une amplitude aussi extrême, et surtout en coupant la ligne naturelle du plan de swing, il me faudrait un talent immense pour arriver à développer le rythme parfait qui ramènera les mains, et en conséquence, la tête de club correctement placée sur la balle.
A une telle vitesse de swing (plus de 100 mph), si je suis sous pression du résultat ou tout simplement dans un rythme trop rapide, trop saccadé ou non naturel, mon corps n’aura tout simplement pas assez de temps pour s’organiser, et donc permettre de remettre la tête de club correctement en face de la balle pour la lancer droite.
La phrase clé, c’est « Mon corps n’aura tout simplement pas assez de temps pour s’organiser… »
Cette phrase s’adresse à moi en même temps qu’une grande majorité de sliceurs où les bras agissent tellement vite, que le corps n’a pas le temps de s’organiser, certains comprendront plus facilement tourner, pour provoquer autre chose qu’un slice énorme.
Arnaud, par ailleurs excellent enseignant de golf, que je connais depuis plusieurs années, a posé le doigt sur le château de cartes que pouvait être mon swing.
Oui, je peux taper très fort, mais le moindre grain de sable (faute de rythme) peut faire dérailler le « train » très facilement, et dans des proportions dramatiques.
Le soir, suite à ce constat, un brin désespéré par ce sport où on passe son temps à avancer et reculer, bref à faire du sur-place, j’ai médité cette phrase.
Le lendemain, au studio, en fin de journée, j’ai imaginé reconstruire mon swing en repartant de zéro.
Une reconstruction plus rapide qu’imaginé
Je me suis fixé quatre étapes : Un take-away qui reste orienté vers l’extérieur (pour ne pas revenir dans une organisation pour lancer la balle en hook), un armement des poignets comme si je voulais monter le club à la vertical, une troisième étape nouvelle et capitale qui consiste à stopper la montée plus courte, et même à sentir une forme de flexion prononcée de mon poignet gauche (droitier), et enfin relancer le club plus avec le corps, et moins avec les bras.
Pendant plus d’une heure, au lieu de swinguer naturellement et à pleine vitesse, je me suis concentré sur ses quatre étapes, et tapé à 70 ou 80% de mes capacités, un peu comme un robot qui répéterait quatre étapes les unes après les autres, et plus lentement.
J’essayais de mécaniser quatre séquences successives.
De là, je me suis dit que j’allais mettre des mois à créer un nouveau swing…
Le lendemain, j’ai recommencé, et finalement, je me suis laissé aller à être moins robotique, tout en restant à 80/90% de mes possibilités.
Ma surprise a été de trouver ce « swing » que j’appelle désormais un second service… plus rapidement que je ne l’imaginais.
Au tennis, on nous apprend à avoir une première balle, et à développer aussi une seconde balle, une balle de secours. La plupart du temps, les joueurs de tennis ne jouent pas le premier et le second service à la même intensité.
A la différence du golf qui n’a pas cette chance, nous n’avons pas un mulligan sur chaque départ (on devrait !), le joueur de tennis a deux coups pour lancer le jeu.
Si le premier en force ne passe pas, le second avec effet doit assurer un début d’échange.
Personnellement, je n’ai jamais rencontré un enseignant de golf qui m’a appris à avoir deux drives, un premier à 100%, et un second en sécurité ! Ce n’est peut-être pas dans notre « culture ».
Si j’avais eu l’idée de cela, à Valence, au lieu de mettre trois balles dans le décor, sur la deuxième, j’aurais peut-être pensé « second service ».
Dans notre cas de golfeur, il ne s’agit pas de mettre de la force sur le premier ou de l’effet sur le second, mais de mettre plus ou surtout moins d’intensité… pour moins disperser.
Dans mon intention, en réalité, sur ce travail au studio, j’ai bien ralenti ma vitesse de swing de 5 à 10 mph, et parfois plus, et donc bien perdu au moins 20 mètres de distance… mais pour l’avoir expérimenté au Trackman, j’ai des preuves irréfutables d’une dispersion divisée par deux !
Pourquoi ?
Au-delà du caractère purement mathématique, moins de vitesse, moins d’angle, moins de dispersion, j’ai laissé plus de temps à mon corps pour s’organiser.
Au contraire, quand je cherche à passer entre 105 et 110 mph de vitesse au drive, en réalité, je suis en déséquilibre ou même perte d’équilibre, exposé à des fautes de rythme, et incapable de contrôler régulièrement la position de la face de mon club.
En ralentissant, avec un backswing plus court, qui ne coupe plus le plan au sommet du swing, je récupère du contrôle.
Ci-après, je voudrais vous en apporter la démonstration à travers les chiffres du Trackman.
Les données Trackman de l’expérience
Premier exemple : Je cherche à taper entre 100 et 110% de mes capacités. Objectif : Taper à fond peu importe le rythme, à tout prix, quoi qu’il en coûte. Un seul objectif : A fond !
La moyenne de swing approche 105 mph de vitesse. Les balles sont tapées en tendance bas en pointe.
La face est en moyenne ouverte à l’impact de près de 4 degrés…à droite de la cible, au centre du fairway. Cet écart est important, et parfois, il peut être encore plus fort, ce qui explique les balles qui s’échappent très fortement à droite.
Sur la droite justement, sur 15 balles, vous pouvez voir quelques trajectoires poussées fortement en droite en slice, et aussi, à l’inverse, quelques coups ratés bas à gauche…
La moyenne de distance n’est que de 237 mètres, alors que la plus forte dépasse 260 mètres, mais sur 15 balles, il y a tellement de mauvaises frappes que la moyenne chute lourdement.
Visiblement, sous pression sur le parcours, c’est bien le gros slice qui sort…
Deuxième série, sans tricher, à savoir je tape à la suite 15 balles, sans en enlever du résultat pour présenter une série de 15 balles parfaites, je cherche au contraire du rythme, un backswing moins long, et donc la mise en musique de mon second service.
La vitesse chute en moyenne à seulement 97 mph, en revanche, les balles sont mieux centrées dans la face ! Les trajectoires sont moins grossièrement aléatoires.
Le chemin de club est moins marqué vers la droite (3 degrés contre 5 sur l’exemple précédent, et la position de la face à l’impact plus neutre, soit 1 degré au lieu de 4).
La moyenne de distance est finalement seulement inférieure de 4 mètres… alors certes il n’y a plus de balles à 260 mètres, mais aussi moins de balles 60 mètres à droite !
La dispersion est d’ailleurs « coupée » ou « divisée » par deux !
Illustration avec le plan vue de haut pour les balles tapées à fond…
Et la même illustration pour des balles tapées plus en rythme ci-dessous, la plage de dispersion est moins spectaculaire.
Ci-après, prenons encore quelques exemples, et notamment la meilleure tapée au plus vite…
Effectivement, à 107mph, je peux atteindre 260 mètres, mais la faille de ce swing est déjà bien présente.
Avec un chemin de club qui est intérieur-extérieur plus prononcé, attention au temps à ma disposition pour ramener la face vers la cible…
Sur l’exemple ci-dessus, encore plus vite, à 109mph, pour un chemin de club similaire au coup précédent, cette fois, le corps n’a pas eu assez de temps pour s’organiser et ramener la face, qui 10 degrés à droite signifie un énorme PUSH à droite, hors limite, à plus de 60 mètres du centre du fairway !
Au contraire, ci-dessus, la balle la plus à droite tapée cette fois avec du rythme sans chercher à être à fond…soit 32 mètres à droite, et non pas 64 mètres…
Le chemin de club est réduit parce que le corps a plus de temps pour s’organiser. La face est toujours tapée à droite (4 degrés), mais la balle centrée dans la face.
Ce n’est clairement pas un bon coup. C’est simplement le plus mauvais dans une organisation qui est meilleure, avec une conséquence moins dramatique.
Bien entendu, la vitesse joue comme un facteur d’aggravation.
Et ci-dessus, la meilleure en distance avec un meilleur rythme, et moins de vitesse de swing…Soit 10 mph de vitesse en moins, et 20 mètres de moins en distance (240 mètres).
Clairement, cet article n’est pas sur comment gagner de la distance… Sur ce coup, le chemin de club est neutre, et la position de la face square… La balle est pratiquement au centre du fairway.
Depuis ces expérimentations, j’ai joué deux fois sur le parcours…
Le progrès est notable même si je ne veux pas vous vendre du rêve, si jamais vous connaissez le même souci.
J’ai très nettement diminué le nombre de coups de pénalités reçus, et en fait la dispersion. J’ai effectivement diminué ma distance moyenne de 10 à 15 mètres minimum.
J’ai encore tapé plusieurs mauvais coups donc loin d’avoir trouvé la solution parfaite, et encore infaillible.
J’ai simplement trouvé un drive moins à la rupture en permanence, un second service qui permet de se mettre en jeu, et donc de vraiment jouer.
Il me vient donc plusieurs réflexions sur la quête de distance à tout prix.
Enseignements de cette expérience
Autant, aux Etats-Unis, à Dubaï, les parcours sont extrêmement larges, autant, en France, le plus souvent, les parcours sont étroits avec monstres de difficultés sur les côtés (obstacles, forêts, eaux…) la recherche de distance à tout prix est un risque immense.
L’exemple souvent vanté de DeChambeau qui nous incite à taper plus fort, est dangereux pour la carte de score.
Les articles ou vidéos expliquant comment taper plus fort ne doivent pas omettre les questions d’équilibres et de temps pour que le corps s’organise.
La création d’amplitude extrême comme solution pour créer de la vitesse peut créer une impossibilité à gérer la tête de club.
Enfin, au golf, toucher des fairways, c’est tellement la clé pour mieux jouer par rapport à la distance…
Sur la question du second service, pour ma part, à tort, quand je rate le premier driver, j’ai trop tendance à vouloir frapper la suivante encore plus fort, comme si je voulais me venger… c’est une erreur, il faut plus comme un joueur de tennis, penser « second service », et donc envisager de réduire l’intensité ou plus positivement, laisser du temps au corps pour qu’il s’organise.
Cela se matérialisera par un finish plus convaincu, et surtout plus stable sur les jambes.
Si vous aussi, vous êtes confronté à un problème de slice, vous pourriez être inspiré de chercher à développer un “second service”, un swing avec moins d’intensité, moins d’amplitude, et surtout chercher à laisser du temps à votre corps pour s’organiser, dans le but de lancer plus en face de vous.
En réalité, moi, vous, pouvons taper plus loin et plus fort, mais jusqu’à quel point, sommes-nous capable de conserver le contrôle de notre tête de club ? Cette expérience me démontre mes limites à ne pas trop dépasser ou alors sauf si le fairway fait plus de 70 mètres de large…
Le bon indicateur de la qualité de notre drive, ce ne sera pas seulement le smash factor, mais tout simplement notre capacité à terminer bien en équilibre, à la fin du geste.
Crédit photo : Keith Gillett et Brian Spurlock/Icon Sportswire